Les fondeurs de cloches.
Les fondeurs de cloches.
Ils émigraient en général du Bassigny en Lorraine. Ils se rendaient dans les villages où ils avaient été appelés par le curé. La cloche était fondue le plus souvent devant l’église. Leur arrivée était une véritable fête. La matière première était fournie par les paroissiens qui apportaient des vieux sous, casseroles en cuivre,pots en étain, chandeliers, charretées de terre, cire, suif de mouton, chanvre ou poils de chèvres, bois, etc.......
A tous ces matériaux hétéroclites, le sentier (fondeur de cloches) ajoutait du vif argent et du borax (salpêtre utilisé comme liant). Les cloches sont toutes en bronze ou airain obtenu en alliant 74 à 75% de cuivre, 22 à 25% d’étain, 1 à 2% de zinc.
Le maître fondeur était souvent entouré de gens du village qui l’aidaient dans son travail : manœuvres, souffleurs, etc .....
La cloche se compose du noyau, de la fausse cloche, de la chape.
Le noyau : Briques couvertes d’argile dont la forme sera l’intérieur de la cloche.
La fausse cloche : Constituée de terre , de chanvre, et d’argile, et qui doit être conforme à ce que sera la future cloche. Cette fausse cloche sera enduite de graisse et recevra les inscriptions et ornementations qui seront exécutées en cire.
La chape : Elle recouvre la fausse cloche ; Elle est faite d’argile, de sable siliceux, de crottin de cheval, et de bourre. L’empreinte de la cloche s’y applique comme une pâte à modeler. La chape, une fois durcie, on adapte une tête d’anse qui a été moulée à part.
On chauffe ensuite l’intérieur du noyau afin que la cire en fondant laisse toutes les empreintes faites sur la fausse cloche. A l’aide d’un palan on dégage la fausse cloche de la chape pour la détruire, avant de faire redescendre la chape sur le noyau. Le vide laissé par la fausse cloche sera comblé par le bronze en fusion. Celle-ci s’obtient après cinq heures de chauffe continue de branches de chênes et de charmes . L’orifice est ouvert et le métal en fusion remplit le moule. On extrait les cloches de quatre à cinq heures après la coulée. On sort les moules de terre et on les casse.
La cloche apparaît , brillante, elle est nettoyée soigneusement et polie à l’aide de sable humide et de brosses d’acier. On éprouve ensuite sa qualité sonore. Le son des cloches était réglé sur les notes de la gamme. La cloche est prête à rejoindre son point d’attache, mais avant de donner sa voix elle sera baptisée. Cette bénédiction est faite par l’évèque. La cloche est lavée sept fois à l’eau bénite et l’officiant fait le signe de la croix sept fois, en présence du parrain et de la marraine.
Au Moyen-âge , les maîtres incontestés de ces fondeurs locaux étaient les MOSNIER de VIVEROLS en Auvergne. Le plus ancien MOSNIER dont on ait gardé trace est Etienne MOSNIER en 1480.
Puis l’industrie est arrivée Les premières fonderies françaises virent le jour en Lorraine au quatorzième siècle..
Bonjour à tous !
Dans notre série "vieux métiers" sur geneagier, nous parlions à la fin du mois de mars des fondeurs de cloches et à cette occasion Josette Mosnier-Jungels nous révélait qu'elle descendait des Mosniers fondeurs de cloches à Viverols (63) et nous donnait un article bien intéressant sur la fabrication d'une cloche...
Ayant pu retrouver depuis un texte de Jean-Louis Boithias historien et ethnologue de ce coin d'Auvergne en bordure du département de la Loire, je vous donne ici un petit résumé de ce qu'il écrit sur les fondeurs de Viverols et spécialement sur la famille MOSNIER (1). Bien qu'il ne s'agisse pas de la vallée du Gier... Cela vous donnera peut être envie de venir me voir cet été dans mon village de vacances !
Cette spécialité de Viverols remonterait avant le milieu du XV° siècle.
Les maîtres fondeurs furent principalement les CALMARD et les MOSNIER.
Originaires d'Espagne, les CALMARD furent "saintiers" ou "campaniers" durant la seconde moitié du XVI° et la première moitié du XVII°. Ils travaillèrent surtout dans les alentours et fondirent entre autres une cloche à Saillant (63) en 1583, une cloche à St Anthème (63) (700 kilos) et une cloche à Eglisolles (63) (25 quintaux) en 1626, une à Montarcher (42) en 1644...
Contrairement aux CALMARD, les MOSNIER sont bien originaires du pays. En 1480 apparaît Etienne CALMAR, il est dit "faber" (artisan). Cette famille aurait alors fourni des canalisation métalliques pour la ville de Riom (63). "Ils diffusèrent leur art et savoir faire pendant près de deux siècles et demi à plus de 100 kilomètres à la ronde et sur trois provinces (Auvergne, Velay et Forez)".
Comme ils étaient aussi experts dans la fabrication des canons que dans la fonte des cloches ils seront appelés soit pour réarmer les places fortes soit pour reéquiper les clochers après le passage des troupes protestantes qui avaient, entre autres, dévasté le Forez entre 1560 et 1588.
Ainsi Mathelin et Antoine MOSNIER livrèrent en 1563 quatres pièces d'artillerie à Polignac. En 1567 Mathelin et Jean MOSNIER, père et fils, fabriquèrent 10 canons pour Montferrand. En 1592 François MOSNIER fut appelé pour fabriquer un grand canon à Brioude...
Mais encore "on retrouve leurs traces facilement de nos jours au faîte de très nombreux clochers du Puy-de-Dôme, de la Loire et de la Haute-Loire, accessoirement du Rhône et du Cantal, ainsi que les prénoms de leurs auteurs partout gravés en guise de signature :
Etienne pour la fin du 15ème siècle; Claude, Antoine, Gaspard, Mathelin, Jean, Etienne, Annet, François et Gabriel pour le 16ème siècle; François, Annet, Marc, Loys, Philippe, antoine, Thomas, Pierre et surtout Pardon pour le 18ème siècle, sans qu'il soit toujours possible d'identifier les liens de parenté les unissant entre eux."
En 1502 ils fondent une cloche à Montbrison, une à St Martin-la- Sauveté et une troisième à Champoly.
En 1537 ils fondent une cloche à St Germain-Laval, une autre à Balbigny et une troisième à Chevrières.
Pour la Loire notre auteur relève ainsi 22 mentions sur 47...
Mais permettez au lyonnais que je suis de relever que c'est Gaspard MOSNIER de Viverols qui en compagnie de Pierre CALEMARD vint fondre en mai 1587, l'une des cloches de St Jean à Lyon !
Entre 1623 et 1643 les MOSNIERS eurent aussi une grande activité dans les régions de Clermont, Thiers et Ambert.
Comme on ne prête qu'aux riches, la légende veut qu'un Pardon MOSNIER, établi sur les bords de la Moscova, ait participé en 1735 à la fonte de la fameuse "Tsar Kolokhol III" qui se trouve, sans clocher, sur un piédestal à Moscou. On dit que le nom de "Pardon MONIER, maître-fondeur à Viverols" serait inscrit sur le bord intérieur de la cloche mais comme celle-ci mesure 6 mètres de haut et 4 mètres de diamètre et pèse 66 tonnes (d'autres disent 200 à 250 tonnes !) il parait que l'on a pas encore trouvé quelqu'un capable de la soulever pour aller voir ! (enfin c'est moi qui le dit !).
A Viverols les MONIER ne fabriquaient, dans leur atelier qu'il est bien difficile de localiser, que les petites cloches et les clochettes ou "campanes" de mulets et autres sonnailles d'animaux, les cloches de plus grand poids étaient bien sûr coulées au bas des clochers où elles devaient être suspendues comme nous l'a expliqué Josette.
Tout au long des 16ème et 17ème siècle les MONIER sont dits "habitants de Viverols" mais très vite d'autres membres de la famille iront habiter Montbrison et Saint Bonnet le Château et, comme nous l'apprend aussi Josette, à St Jean Soleymieux où vivaient ses propres ancêtres.
Il est vraisemblable que l'activité des fondeurs de cloches de Viverols s'arrêta à la fin du 18ème siècle car depuis, les cloches de la région ont été faites par des fondeurs venus de Lorraine.
Que mes amis de la vallée du Gier me pardonnent mais je n'ai rien trouvé, dans ce texte, sur les cloches de la région que nous aimons... Ce qui ne les empêche pas de sonner et en rythmant depuis des années, voire des siècles le temps qui passe, nous apprendre qu'il faut savoir, comme on dit à Lyon, "donner du temps au temps" pour que les choses se fassent !
Quand je monte à Viverols j'aime entendre deux ou trois de ces cloches qu'ont entendues tant de générations avant nous... qu' elles nous aident à mieux situer nos instants dans la longue suite des temps...
Cordialement.
Marc.
(1) Source : Jean Louis BOITHIAS dans "Panorama industriel du canton de Viverols du Moyen-Age à nos jours" (G.R.A.H.L.F. 1993) et "Le pays de Viverols aux siècles passés" (Editions de la Montmarie 2003).