TARTARAS
D'après les actes paroissiaux 1673-1792

 

IV. L'exode rural déjà ?

Si Lyon est le lieu d'où provient la très grande majorité des enfants en nourrice, c'est aussi le lieu où l'on va tenter sa chance quand la terre familiale ne peut plus nourrir tout le monde, les familles étant assez nombreuses comme nous le verrons dans un autre chapitre. Si le titre "exode rural" est quelque peu anachronique et peut-être exagéré, force nous est de constater que la grande ville attirait déjà, bien avant le XX° siècle où l' expression a trouvé toute sa force.

Ainsi, à travers les parrains et marraines, les actes de baptême de Tartaras nous montre un nombre significatif de parents ou de connaissances qui se sont installés à Lyon dans divers métiers mais surtout liés à la soie, grande "industrie" ou plutôt "fabrique" à l'époque et les liens sont assez proches et vivants pour que l'on fasse appel à eux pour le parrainage. Sur les 1.574 baptêmes contenus dans les actes paroissiaux de Tartaras nous pouvons en effet dénombrer 125 actes où le parrain ou la marraine ou les deux habitent Lyon : Ceci est loin d'être négligeable !

Les tâches exercées par ces gens en ville sont assez variées et reflètent assez bien les métiers de Lyon à cette époque, énumérons-les pour la curiosité des lyonnais :

Il y a d'abord, bien sûr tous les métiers relatifs au travail de la soie.
Nous trouvons 8 marchands "fabriquants" et 1 compagnon,
8 marchands de drap de soie et 1 marchand de soie,
17 ouvriers en soie ou en drap de soie et 1 apprenti,
2 dévideuses (1),
1 ourdisseuse (2),
2 marchands satinaires et 2 compagnons,
12 marchands ou maîtres passementiers,
7 marchands guimpiers (3),
4 maîtres teinturiers,
1 fabricant en bas de soie,
1 raccommodeuse de bas de soie.

Toujours dans le textile, nous trouvons encore
1 marchand drapier,
2 toiliers,
1 tondeur de drap,
1 tailleuse.

Dans le monde des marchands nous trouvons
1 marchand de vin,
1 chapelier,
1 chandelier,
1 pelletier,
1 poêlier,
1 marchand de dorure en métaux et
12 marchands indéterminés.

Puis nous rencontrons les différents maîtres :
3 cordonniers,
3 tonneliers,
3 charpentiers,
2 fondeurs,
1 tanneur,
1 "masson",
1 tourneur,
1 imprimeur,
1 chirurgien,
3 boulangers.

Il y a aussi 1 maréchal et 1 cocher,
1 jardinier et 1 fille "en service".

Parmi tous ces nouveaux lyonnais, il y a 18 "bourgeois de Lyon".

Sont enfin mentionnés 3 prêtres

et dans le monde de la justice
1 procureur des cours de Lyon,
1 huissier,
2 avocats et un praticien.

Nous pouvons donc affirmer qu'il y avait, au-delà des paroisses de la vallée du Gier, en gros entre St Chamond et Givors, un lien assez fort entre Tartaras et Lyon. Cette attirance de la ville ne s'exerçait pas simplement sur ce que l'on appellera plus tard "les classes laborieuses" mais aussi sur les plus fortunés qui, tant pour la croissance de leurs affaires que pour des motifs d'exemption fiscale, demandaient à devenir bourgeois de Lyon. Après une difficile conquête sur le pouvoir de l'évêque au Moyen Age, ce sont les bourgeois qui au XVII° et XVIII° forment la classe dominante de Lyon, ville laborieuse…

Ce lien avec Lyon allait aussi de soi pour les gens de loi puisqu'ils exerçaient leur office sur une juridiction, Châteauneuf et Dargoire, qui dépendait du Comté de Lyon, à savoir du chapitre des chanoines de la cathédrale St Jean.

NOTES :

(1) Ouvrière qui dévidait le fil de soie pour le mettre en écheveau.

(2) Ouvrière qui préparait la chaîne sur les métiers.

(3) Marchand-fabricant de fil d'or et d'ouvrages en fil d'or et de soie. Voir "Guimpier" (M-R 3/2006) et "Métier : Tireur d'or" (M-R 3/2006).

Marc ROCHET